Interview et article rédigé sur Rachida Mallogi :
« « Je restaure mes tapisseries comme si je restaurais ma vie » L’enjeu de Rachida Mallogi n’est pas un divertissement quand elle touche aux tapisserie du XVI ou du XVIII siècle. Les sujets sont empruntés à la Bible ( l’Ancien ou le nouveau testament), à l’Iliade et à l’Odyssée.
Le fil d’Ariane se noue le jour où, par hasard, la jeune fille, qui a quitté son pays pour fuir une tradition dont elle ne voulait pas, se retrouve dans un atelier. La magie des couleurs, des gestes et des sujets la transporte « comme si la grâce l’avait touchée ».
Un don inné, une adresse naturelle s’impose à elle. Le sens des sujets, elle s’en affranchit vite par quelques bonnes lectures. Rachida Mallogi a la douceur d’une énergie sans compromis. La restauration de tapisseries l’a sauvée d’un destin de femme sans avenir, oppressée et loin de la liberté. La résilience, en citant Boris Cyrulnik, prend forme dans son discours et son métier concret, utile, nécessaire à tant de musée. Les tapisserie arrivent défraîchies ou trouée, maltraitées, à l’image de certains être humains. Rachida répare, s’en imprègne et rentre dans l’histoire.
En 1994, elle décroche la médaille d’or au concours des Meilleurs Ouvriers de France grâce à la restauration des garnitures en tapisserie des Gobelins d’un salon du XVII siècle.
Bien qu’elle soit autodidacte, elle a été habilitée par la direction des musées de France. Aujourd’hui, elle est respectée et sollicitée par les plus grands musées. Elle a ses clients fidèles, par exemple le musée du château de Pau où sont conservées les merveilles des collections d’Henri IV. Elle travaille aussi pour le musée du Louvre, dont une tapisserie datant du XVI siècle mise en dépôt au Musée basque a fait l’objet d’une publication sur les résultat de son travail de restauration.
Elle travaille seule dans son atelier accolé à sa maison, aux portes d’Avignon, mais donne généreusement de son temps pour initier les autres et ouvre son atelier aux écoles. Car, comme elle le dit si bien : « Je sais que l’éducation est, avant tout, un tissage de regards, aussi je m’implique au niveau des enfants et des adolescents. Lorsque je les reçois dans mon atelier, que je vais les voir dans leurs écoles ou que je les guide dans un musée, je n’ai de cesse de leur inculquer qu’il n’y a pas de fatalité, que l’intelligence est issue de la main et qu’elle peu offrir une existence magnifique. Je leur cite souvent cette belle phrase des Shakespeare, extraite de La Tempête : ”Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie et entourée de sommeil.” » »
Extrait du livre “les Grands Atelier de France – Vingt ans de métiers d’art – Le temps traversé”, écrit par Catherine Laulhère-Vigneau